Carlo Emilio Gadda a composé une œuvre baroque qui nous déborde autant qu’elle se déborde, dépassée sans cesse par ses propres mécanismes d’écriture pour tenter de répondre à la nécessité d’exprimer l’inexprimable.
Dès le Cahier d’études (rédigé à partir de 1924) apparaît une poétique du tratto– segment quelconque d’un espace donné par hasard que l’on peut déplacer à volonté – qui met en cause l’existence même de la forme romanesque, dont l’auteur s’écartera en effet pour se rapprocher davantage de la nouvelle.
Le point de départ de tout récit est un événement banal que l’écriture va draper, multiplier, pour en confondre la réalité et, occultant le geste, n’en faire surgir que les apparences. Posant sans cesse la question du « Qu’est-ce qui s’est passé ? » sans pourtant jamais y répondre, le texte débouche sur l’inachèvement. Pli par pli, Jean-Paul Manganaro porte ici un éclairage nouveau sur cet énorme pastis que nous a laissé l’Ingénieur.