"Rapidement, à grands traits, on dessine sur les murs intérieurs de ce vieux hangar des galeries, des balcons, des lustres, des lambris dorés, des corridors. Les spectateurs étaient peints également, assis dans les loges, des dames parées regardaient un détail du spectacle au travers de petites jumelles tenues du bout des doigts, leur main longuement gantée de blanc jusqu'à l'épaule, l'épaule nue. Des hommes, en chapeaux hauts-de-forme, l'oeillet à la boutonnière, se tenaient debout derrière elles, certains, un peu penchés en avant, chuchotaient de menus secrets, leur bouche remuant à peine près d'une oreille poudrée. On avait aussi peint les projecteurs et leurs rayons, peint les musiciens appliqués, dos voûtés sur leurs instruments, peint le rideau rouge et le mouvement de ses plis, on avait eu le souci de dessiner le visage d'une danseuse surveillant, anxieuse, la salle par un pan du rideau entrouvert. Le décor ainsi fixé, tout avait été rigoureusement reproduit, car cette histoire devait commencer à partir de ce qui ne bouge plus."
Là commence l'étrange voyage du Prince qui répète chapitre après chapitre le rôle du Prince. Indocile à son personnage, bousculant les textes, inventant son propre roman, il va traverser les temps et les régions, les civilisations anciennes aussi bien que celle d'aujourd'hui, poursuivant une quête qui lui sera fatale.