Depuis l’engagement occidental en Afghanistan, en Irak, puis en Syrie, le terme de « fixeur » est devenu fréquent pour désigner, quasi exclusivement, des hommes qui rendent des services multiples aux journalistes et aux armées étrangères : à la fois interprètes, informateurs, guides, médiateurs, chauffeurs, ce sont des intermédiaires, des arrangeurs qui possèdent de multiples savoirs et techniques. Leur principal domaine d’action se situe dans des situations de conflit qui exigent une intervention bilingue, entre deux langues mutuellement inintelligibles.
Être fixeur est une position très ancienne que l’on trouve déjà au Moyen Âge dans toutes les situations de rencontre entre langues : croisade, pèlerinage, prédication, commerce, mais aussi dans toutes les opérations de traduction. C’est l’homme (ou la femme) invisible de l’histoire – comme si les intermédiaires que sont les traducteurs n’avaient pas d’existence physique et historique. Comme si la circulation des textes n’était pas aussi une invitation à l’action.
L’anachronisme assumé par ce livre est une manière d’écrire au présent l’histoire de la littérature médiévale, de lui restituer les corps qui l’ont produite et transmise, ainsi que sa puissance politique.
Née en Croatie, Zrinka Stahuljak est professeure de littérature et civilisation médiévales aux départements de Littérature comparée et d’Études françaises et francophones et directrice du Centre des études médiévales et de la Renaissance à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA). En France, elle a publié L’Archéologie pornographique. Médecine, Moyen Âge et histoire de France (PUR, 2018).