Montand nous a raconté sa vie, de l'automne 1988 à l'été 1990. De la maison d'Autheuil à Saint-Paul-de-Vence, nous avons enregistré des dizaines et des dizaines d'heures d'entretien, recueilli la plus longue interview dont puissent rêver des auteurs en quête de leur personnage. Nous travaillions avec méthode, balisant les grandes parties : Piaf et Paris, Simone et Saint-Paul, Marilyn et Hollywood, Khrouchtchev et Moscou. Montand se pliait volontiers au jeu mais s'évadait sans cesse de ce carcan que nous souhaitions lui imposer. C'est un conteur. Il ne raconte pas, il joue, il met en scène, fait revivre les situations. Il ne reste pas assis devant le micro mais déambule en tous sens, gesticule, mime.
Ce document brut que Montand avait parcouru, nous avons voulu lui conserver son statut de document de travail. Il n'a pas été récrit, ni remis en forme - si ce n'est pour assurer une cohérence chronologique. C'est Montand qui parle, c'est sa voix qu'on entend, avec sa spontanéité et ses approximations, ses finesses et ses jugements à l'emporte-pièce, ses obsessions, ses regrets. C'est la voix d'un homme qui fut acteur privilégié de son temps, et aux premières loges. Le temps de Montand, c'est la traversée d'un demi-siècle.
Hervé Hamon et Patrick Rotman, septembre 2001