Paul Ricœur aurait aujourd’hui cent ans. Son œuvre, riche et diversifiée, s’avère particulièrement féconde pour penser notre temps. On le constate en particulier à propos de la mémoire historique, qui a été au centre de ses derniers travaux. Son maître-ouvrage publié en 2000, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, était une réflexion capitale sur les nécessaires distinctions entre l’histoire et la mémoire, entre l’oubli et le pardon. Même s’il est logique qu’elle fasse débat, on peut s’étonner qu’elle soit encore si peu exploitée pour dépasser des conflits intellectuels où s’opposent souvent des positions absolues.
Dans un contexte de tension croissante entre histoire et mémoire, nous avons voulu revisiter les thèses de La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, en commençant par les réflexions directement liées aux questions mémorielles. Elles ont créé parfois la surprise, voire l’accusation d’abandonner le « devoir de mémoire ». Mais au-delà de procès d’intention reposant parfois sur des malentendus, elles ont aussi suscité des appropriations remarquables. Et dans ces controverses, Ricœur rappelle très justement la fonction permanente de l’agir, de la dette éthique de l’histoire vis-à-vis du passé.
En revisitant en 2013 son apport décisif à la réflexion sur l’histoire prise entre la mémoire et l’oubli, cet ouvrage a l’ambition d’œuvrer en faveur d’une histoire au second degré, parvenue en son âge réflexif.
Avec François Dosse, historien, professeur des universités à Paris 12, et Catherine Goldenstein, conservateur des archives du Fonds Ricœur, quinze spécialistes ont contribué à cet ouvrage.