« Le récit de mon enfance peut se lire comme un témoignage : le destin singulier d’une enfant belge, fille de mère juive, à qui on impose de vivre en Allemagne de 1939 à 1945 sous le IIIe Reich.
Ce livre raconte aussi l’histoire d’une adolescente aux prises avec ses parents qu’elle juge irresponsables parce qu’ils ont entraîné leur famille dans la gueule du loup.
J’aurais dû tenir un journal entre treize et dix-neuf ans, pendant ces années de guerre où mon père nous avait emmenés dans l’Allemagne nazie, ma mère, mon frère et moi. Or, dès mai 1940, la Gestapo perquisitionnait nos chambres. Nous étions prévenus : toute trace écrite pouvait nous trahir. Non seulement nous devions nous taire, mais ne rien posséder de suspect.
Rentrée en France en 1945, les épisodes que je venais de vivre bouillonnaient dans ma tête, j’aurais tant aimé en parler. Personne pour m’écouter, on voulait tourner la page.
Si j’avais été perspicace, j’aurais prévu qu’un jour une nouvelle génération s’intéresserait à la vie quotidienne pendant la guerre. Je n’ai pas anticipé, je n’ai pas écrit en 1945.
J’ai donc attendu presque soixante-dix ans avant de livrer mes souvenirs décharnés. »
Monique Lévi-Strauss