Fascinés par le mythe et par l’action, ils étaient les enfants de D’Annunzio, de Barrès, de Jünger et de T. E. Lawrence. Ils avaient le goût de l’utopie, le culte de la jeunesse et celui de la belle mort. Ils se nommaient René Crevel, Klaus Mann, W. H. Auden, Stephen Spender ou Lauro de Bosis. Trop jeunes pour avoir connu l’épreuve des tranchées et hantés par le sentiment d’avoir manqué la grande occasion de leur vie, ils ont espéré rendre leur existence « inimitable ».
À ces esthètes armés, poètes guerriers en mal d’héroïsme, l’ère des totalitarismes montants a offert une chance inespérée de se faire entendre. La guerre d’Espagne a été leur moment. Ils ont succombé à la tentation marxiste ou fasciste, ils sont tombés les armes à la main, aux commandes d’un avion ou d’une balle dans la tempe, ils ont parfois glissé vers l’autodestruction : nulle cohérence idéologique n’unifie leur groupe, mais la rupture avec le monde des pères, la révolte des sens, la tentation de l’absolu.
C’est tout l’esprit de cette jeunesse que fait revivre ici Maurizio Serra, et la richesse de ses paradoxes.
Traduit de l’italien par Carole Cavallera.
Écrivain et diplomate, Maurizio Serra est l’auteur de nombreux essais, parmi lesquels Les Frères séparés. Drieu la Rochelle, Aragon, Malraux face à l’histoire (La Table ronde, « La petite Vermillon », 2011) et de deux biographies : Malaparte, vies et légendes (Grasset, prix Goncourt de la biographie, 2011) et Italo Svevo ou l’antivie (Grasset, 2013).