« Peut-être quelque jour nous sera-t-il permis de compléter cet ouvrage : mais nous ne pouvons prendre aucun engagement à ce sujet : et quand nous le pourrions, nous croirions encore devoir auparavant consulter le goût du public qui n’a pas les mêmes raisons que nous de s’intéresser à cette lecture. »
C’est sur cette note que nous refermons « Les liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos.
Et c’est là que Hella Haasse reprend habilement le fil de l’histoire. La marquise de Merteuil, cette femme qui jouait avec l’amour d’une manière exclusivement réservée aux hommes, est bannie à la suite de ses turpitudes. « On croit, écrit Laclos, qu’elle a pris la route de la Hollande. »
Réfugiée dans un domaine, aujourd’hui disparu, qu’elle a rebaptisé Valmont (traduction littérale du nom néerlandais de l’allée Daal-en-Berg), la marquise écrit des lettres, comme dans le roman dont elle est issue. La destinataire en est une femme néerlandaise sans nom en qui nous devinons Hella Haasse. Ainsi naît le plus surprenant des échanges épistolaires entre deux femmes que tout sépare – le physique, le mode de vie, l’époque – hormis la qualité de l’intelligence.
Deux femmes, à deux siècles de distance, inspirées par un même besoin, passionnées par une problématique identique à la base, développent des idées parallèles sur la condition féminine et la lutte des sexes. Deux femmes débattent de l’image de la femme en littérature qui, selon la marquise, est à rechercher parmi les amorales et les mauvaises. De cette manière se déploie, dans une perspective, à l’intérieur du roman un essai d’une sagacité et d’une émotion remarquables sur la femme malfaisante dans la littérature universelle.